L’Algérie face aux enjeux contemporains
1er novembre 1954 – 1er Novembre 2025
Algeria-Watch 1er Novembre 2025
L’anniversaire du 1er Novembre 1954 ne peut se résumer à une commémoration bureaucratique, à quelques gestes et discours convenus dans un rituel contraint et sans prise sur le réel. Le système de pouvoir en mal de légitimité n’a de cesse de folkloriser une date qui est celle de la résurrection de la Nation algérienne et de la refondation de son État. Pourtant, le texte déclencheur de la lutte finale de libération est l’unique document politique unanimement reconnu par tous les courants politiques nationaux.
Dans une situation d’étouffement des libertés, de répression paranoïaque – d’une rare inintelligence – de toute expression autonome et d’instrumentalisation abjecte de la Justice, l’évocation de l’acte politique inaugural de l’émancipation du peuple et du recouvrement de sa dignité apparaît presque comme la mise en accusation du régime. Enfermé dans un autoritarisme d’un autre âge, l’option oppressive assumé par les dirigeants de fait conduit à des excès inacceptables comme l’emprisonnement de centaines de citoyens, seulement coupables d’avoir émis leurs opinions. La régression politique affaiblit objectivement le pays dans son ensemble. Cette posture d’un système obsolète coupé de la société qu’il prétend conduire, fragilise la position internationale de l’Algérie au cœur d’un arc de crises régionales et internationales.
La maturité du peuple et ses capacités de discernement politique ont permis jusqu’ici d’éluder tous les pièges des immixtions extérieures et des divisions téléguidées. Il est clair néanmoins que le refus réitéré par les décideurs notoires ou occultes de ce régime d’une ouverture démocratique ordonnée et pacifique est propice à toutes les déstabilisations. La responsabilité des hommes qui maintiennent le pays dans une voie sans issue est écrasante. La célébration du 1er Novembre 1954 est l’occasion d’un retour sur l’héritage politique d’une rupture révolutionnaire, précieusement conservée dans la mémoire du peuple et transmise dans sa vérité fulgurante aux générations.
1. Les principes fondateurs de l’Appel du 1er novembre 1954
Deux principes structurent l’Appel du 1er novembre 1954 :
« L’indépendance nationale par :
- La restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social, dans le cadre des principes islamiques.
- Le respect de toutes les libertés fondamentales, sans distinction de races ni de confessions. »
Acte fondateur de la Révolution algérienne, l’adresse au « Peuple Algérien, militants de la Cause Nationale » exprime clairement la volonté inébranlable de libérer le pays du joug colonial et de restaurer un État algérien souverain, démocratique et social, enraciné dans les principes islamiques. Cette référence à l’islam ne visait pas à instaurer un régime religieux, mais plutôt à affirmer l’identité culturelle et spirituelle du peuple algérien, niée durant plus d’un siècle de colonisation. Elle traduisait la continuité historique de la nation, fondée sur ses valeurs, sa langue et sa foi. En parallèle, la mention du caractère démocratique et social de l’État à venir soulignait l’ambition de bâtir une société moderne, fondée sur la justice, l’égalité et la solidarité entre tous les citoyens.
De plus, le respect des libertés fondamentales, sans distinction de races ni de confessions, constituait un message fort dans le contexte de l’époque : il s’agit de rejeter les divisions et discriminations imposées par le système colonial, pour instaurer un État où tous les Algériens sont égaux en droits et en devoirs. Cette vision place la souveraineté populaire au cœur du projet national, affirmant que la liberté politique doit s’accompagner de la plénitude des libertés individuelles et collectives.
Dans un contexte très déprimant caractérisé par les divisions profondes du mouvement national l’Appel du 1er novembre 1954 énonce deux objectifs stratégiques :
- Assainissement politique par la remise du mouvement national révolutionnaire dans sa véritable voie et par l’anéantissement de tous les vestiges de corruption et de réformisme, cause de notre régression actuelle.
- Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines du peuple algérien pour la liquidation du système colonial. »
L’exigence essentielle pour la réussite de la Révolution algérienne est clairement énoncée : la clarification politique et la réunion de toutes les forces autour du rétablissement national.
Ainsi, d’une part, les rédacteurs de l’appel dénoncent la corruption et le réformisme, considérés comme les principales causes de la régression politique du mouvement national. Par “réformisme”, ils désignent les tentatives de réformes très partielles proposées par le gouvernement français, souvent soutenues par une partie des colons européens — les pieds-noirs — durant l’entre-deux-guerres. Ces réformes de façade destinées à préserver le système colonial, n’ont apporté aucun changement réel à la condition du peuple algérien. En prônant leur “anéantissement”, les initiateurs du 1er Novembre rejettent clairement toute forme de compromis avec le pouvoir colonial et affirment la nécessité d’une rupture totale avec le système existant.
D’autre part, le texte appelle au rassemblement et à l’organisation de toutes les forces vives du peuple algérien. Cette idée traduit une volonté d’unité nationale face à la division du mouvement national qui, dans les années précédentes, s’était fragmenté en plusieurs tendances politiques : les partisans du PPA-MTLD[1] dirigé par Messali Hadj mais très contesté par les « centralistes », l’UDMA[2], l’Association des Oulémas, les communistes et d’autres groupes nationalistes. Les initiateurs de la Révolution souhaitent dépasser ces divergences idéologiques pour réunir tous les Algériens autour d’une revendication et d’un objectif communs : la libération totale du pays et la fin du système colonial.
Ce projet constitue le fondement moral et politique de la lutte de libération et orientait les aspirations du peuple algérien vers la création d’un État libre, indépendant et solidaire.
2. Le peuple et l’État dans le contexte international
Dans le contexte géopolitique actuel, marqué par des tensions régionales et mondiales croissantes, la nécessité de l’union nationale en Algérie apparaît plus que jamais essentielle. Les crises qui secouent la région — conflits armés, instabilité politique, ingérences étrangères, rivalités économiques et sécuritaires — représentent autant de menaces potentielles pour la sécurité et la stabilité du pays. Dans un monde en mutation rapide, où les équilibres géostratégiques sont fragiles, l’Algérie ne peut préserver sa souveraineté et son indépendance qu’en s’appuyant sur une cohésion interne solide et un consensus national fort.
La régression effarante du droit dans la régulation des rapports internationaux est une source d’inquiétude pour tous ceux qui activent pour la paix du monde, a justice et la résolution pacifique des conflits. Le mépris affiché par les puissances occidentales pour les principes édictés par la Charte et les résolutions des Nations-Unies face au génocide commis à Gaza reflète pleinement l’idéologie suprématiste et violente qui imprègne ces États. L’indifférence totale vis-à-vis du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en Palestine comme au Sahara Occidental sous-tend les options de l’Occident collectif pour le recours à la force brute au détriment de la justice. Les menaces d’intervention militaire au Venezuela de l’administration Trump et la politique de sanctions indiscriminées infligées à des pays qui refusent le diktat sont autant de confirmations des orientations agressives d’un impérialisme dont l’hégémonie est de plus en plus contestée. Il appartient donc à tous les pays qui entendent défendre leur souveraineté de s’adapter aux réalités mouvantes et imprévisibles d’un monde en mutation.
La sauvegarde de l’indépendance nationale comme la préservation de l’autonomie politique du pays est aujourd’hui une des préoccupations primordiales de celles et ceux qui entendent maintenir les options de non-alignement et de solidarité internationale de l’Algérie. Comme à la veille du 1er novembre 1954, il apparaît indispensable de renforcer la cohésion nationale en dépassant les divergences idéologiques, politiques ou sociales, non pas en les niant, mais en les transcendant dans un esprit de dialogue, de respect mutuel et de responsabilité collective. L’union nationale ne signifie pas uniformité ou nivellement, mais la capacité du peuple à s’unir autour de valeurs communes et d’un projet national partagé : la défense de la souveraineté, de la stabilité et du progrès du pays. Ce consensus, hérité de la lutte de libération, doit aujourd’hui être pleinement valorisé, redynamisé et ravivé.
Face aux périls, le peuple algérien demeure le garant, en première et dernière instance, de la continuité de l’État et le protecteur ultime de la nation. Pour que la société puisse pleinement assumer ce rôle, elle doit être respectée et jouir de tous ses droits et libertés, conformément aux principes démocratiques de l’Appel du 1er Novembre. La participation citoyenne, la justice sociale et la transparence politique constituent les piliers indispensables d’une union nationale effective. Ce n’est qu’en consolidant le lien indéfectible entre les différentes composantes du peuple algérien que le pays pourra affronter sereinement les défis extérieurs et poursuivre sa marche vers un avenir stable, fondé sur l’édification d’un État souverain et prospère.
3. De l’Appel du 1er novembre 1954 au vide politique actuel
L’Appel du 1er Novembre 1954 représente, dans l’histoire de l’Algérie, une réponse décisive au blocage politique de la vie nationale sous emprise coloniale. Face à la paralysie des partis, aux divisions internes et à l’échec des pseudo-réformes, cette proclamation de rupture avait pour ambition de redonner un sens et une direction à la lutte du peuple algérien. Aujourd’hui encore, son message garde toute sa force et sa pertinence : comme en 1954, mais dans une action politique non-violente, il est nécessaire de dépasser l’autoritarisme tutélaire pour bâtir un État de droit véritablement inclusif, fondé sur la participation de tous les citoyens et sur les principes de justice, de liberté et de souveraineté hérités de la Révolution algérienne.
C’est dans l’exercice des libertés et le débat ouvert à tous que sont surmontés les facteurs de division hérités d’une histoire souvent douloureuse — clivages idéologiques, fractures sociales ou régionales — pour engager une indispensable réhabilitation du politique, ancrée dans les réalités contemporaines. Démarche d’autant plus nécessaire dans une période où certains zombies politiques voudraient fabriquer des contradictions artificielles entre l’Appel du 1er Novembre et le Congrès de la Soummam, ou des démagogues tentent de salir la mémoire des initiateurs de l’Appel. Devant les tentatives de révision de l’Histoire et de division du peuple, il est crucial de rappeler les principes fondamentaux de la Révolution algérienne.
Au-delà des monopoles politiques et des sectarismes, c’est la conscience partagée d’un destin commun qui guide le peuple algérien. Cette conscience active, ciment de la nation, doit être mobilisée autour d’un projet national renouvelé. La défense de la souveraineté nationale et la garantie des libertés individuelles et collectives sont indissociables pour assurer la stabilité et l’avenir du pays. Ainsi, dans l’esprit de la Révolution Algérienne et dans la mémoire de tous ceux qui ont tout sacrifié, il s’agit moins de commémorer une date glorieuse que de raviver la flamme d’un idéal politique intact : celui d’une Algérie libre, unie et fidèle à ses valeurs fondatrices. Il appartient aux Algériennes et aux Algériens, à la jeunesse en particulier, de reprendre un illustre flambeau et de mener à son terme, pacifiquement mais résolument, le programme de libération proclamé le 1er Novembre 1954.
[1] Parti du Peuple Algérien – Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques
[2][2][2] Union Démocratique du Manifeste Algérien